Chers amis,

J’espère que vous allez bien. Les travaux continuent au Refuge. Depuis quelques jours, nous avons entrepris la rénovation de l’ancienne étable. Le bâtiment est très ancien : À observer les murs, leur épaisseur, le mortier, les éléments architecturaux, les reconstructions, il semble contemporain du premier bâtiment édifié au milieu du XVIe siècle, puis avoir été remanié lors de la construction du moulin au XVIIe siècle ; il n’y avait pas alors d’étage comme aujourd’hui. Actuellement, le sol est en terre battue et les stabulations en béton ; les anneaux dans le mur indiquent que quatre vaches étaient gardées là (l’ancienne écurie se trouvait, elle, dans la cuisine actuelle). La surface est grande, environ 60m2 ; une idée a donc émergé : la transformer en un appartement autonome de plain-pied. En commençant à piqueter les murs, nous avons eu la mauvaise surprise de constater que les fissures et le mur bombé révélaient un problème structurel plus important que prévu. Le risque d’effondrement étant avéré, il a fallu démonter et rebâtir une partie du mur (photographie-ci-dessus). Évidemment c’est Louis, notre maçon attitré, qui s’en est occupé. Nous avons pu sauver les pigeonniers, déjà très abîmés. Et comme vous pouvez l’imaginer, les travaux seront longs.

Avec Louis, j’apprends la permaculture appliquée à la maçonnerie. La permaculture est une manière d’être et d’agir dans son environnement et n’est pas réservée au domaine agricole. Elle se fonde sur une observation minutieuse des éléments en présence et de leurs interactions, une observation qui se fait sur le temps long pour étudier leur comportement au fil des saisons. La permaculture intègre tous les éléments en présence, peu importe qu’ils paraissent utiles ou non, chacun a sa place dans un écosystème donné. Et je vois comme Louis réajuste sans cesse son travail en fonction des aléas et des découvertes. Il n’utilise que les matériaux disponibles sur place ou à proximité, vieilles poutres, pierres, etc. Dans cette approche, il n’y a pas de gravats, mais des matériaux que l’on peut reçycler à l’infini.

La permaculture rappelle la cuisine zen. Le maître zen Dôgen a écrit des Instructions au cuisinier où il l’invite à pratiquer la grandeur (daishin). La grandeur est un état d’esprit : tout est utilisé sans jugement de valeur, il n’y a pas d’ingrédients vils et d’autres estimables, il n’y a pas de déchets non plus, tout peut être transformé en une nourriture de l’éveil.

Cette façon de travailler n’est pas non plus sans rappeler la métaphore du bricolage de l’anthropologue français Claude Lévi-Strauss. Dans La pensée sauvage (1962), l’un de ses plus célèbres ouvrages, celui-ci opposait deux manières fort différentes de vivre et de penser le monde : celle de l’ingénieur et celle du bricoleur, l’un a un projet et soumet la nature, le second s’adapte aux ressources existantes et n’a tout au plus qu’une direction. Une anthropologue expliquait mieux : «C’est La Pensée sauvage qui a donné une légitimité épistémologique à la métaphore du bricolage. À la fin du premier chapitre, « La science du concret », Lévi-Strauss met en regard terme à terme le bricoleur et l’ingénieur. Alors que l’ingénieur, dont la démarche s’inscrit évidemment dans la perspective de la science moderne, impose au monde un projet, le bricoleur n’a pas de projet précis. […] Pour le bricoleur, écrit Lévi-Strauss, « la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les “moyens du bord”, c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructions et de destructions antérieures ». (Anne Mélice, Un concept Lévi-straussien déconstruit : Le «bricolage», Gallimard, Les Temps Modernes, 2009/5)

Le permaculteur, le pratiquant zen, le bricoleur abordent finalement le monde de la même manière, dans l’attention et l’écoute de ce qui les entoure sans rien rejeter.

La tuile!

Ce qui devait arriver, arriva, les fortes pluies des mois passés ont créé des infiltrations sur les parties non rénovées des bâtiments (l’aile Est du bâtiment principal, au-dessus de l’étable) et nous ne pouvons plus guère maintenant différer la réfection complète de la toiture repoussée depuis cinq ans ; mais on parle ici de près de cent cinquante mètres carrés de couverture. Notre couvreur habituel a réparé les fuites mais cette réparation ne peut être que provisoire.

Je lui ai donc demandé un devis qui s’élève à environ 35.000 euros. Oui, vous avez bien lu… car il ne s’agit pas simplement de poser des ardoises en rangs, il faut aussi redresser la charpente, reprendre les gouttières, la cheminée, poser une nouvelle isolation et installer trois nouvelles fenêtres de toit neuves. Le couvreur prévoit trois semaines de travail pour une équipe complète de quatre à six ouvriers plus deux ou trois apprentis selon les jours. Malgré le prix élevé, je sais qu’il fait un vrai effort. J’ai donc accepté le devis et les dates d’intervention sont posées, début mars 2025. Cela nous laisse un peu de temps pour trouver les fonds nécessaires que nous n’avons pas. J’ai créé une page dédiée sur la plateforme de financement participatif HelloAsso : c’est ici.

Vous pouvez d’ores et déjà nous aider par un don spécifique. J’espère faire une vidéo de présentation d’ici quelques jours, quelques semaines, afin de montrer ce qui a déjà été entrepris, et tout ce qui reste à faire, et cette fameuse toiture pour l’année 2025.

L’assemblée générale 2024

Nous aurons cet été une assemblée générale extraordinaire où le conseil d’administration proposera une modification des statuts actuels. Les modifications porteront essentiellement sur l’élargissement des droits de vote et les possibilités d’apport associatif.

L’assemblée générale extraordinaire requiert un nombre minimal de votants et si le quorum n’est pas atteint, une nouvelle assemblée doit être reconvoquée dans un délai d’un mois qui, elle, ne requiert pas un nombre minimal. Une première assemblée sera proposée en juin et une seconde à la date du 4 août 2023 à l’issue de la retraite d’été.

Les membres de l’association recevront d’ici quelques jours la convocation accompagnée du bilan financier 2023 et de la proposition de statuts modifiés. Pour l’année 2023, nous constatons une perte de 5.000 euros et un montant de dettes de 58.000 euros.

Si vous n’avez pas encore renouvelé votre adhésion pour l’année 2023 ou si vous souhaitez adhérer, vous pouvez le faire en ligne sur la plateforme HelloAsso. C’est ici.

À l’occasion de l’assemblée générale, il nous faudra aussi renouveler le conseil d’administration. Si vous souhaitez devenir administrateur (mandat de cinq ans), vous pouvez m’écrire.

L’agenda

Je vous rappelle dans notre agenda :
– Avant l’été, la dernière semaine samu (service collectif) du 24 au 30 juin.
– la retraite d’été qui aura lieu du lundi 29 juillet au vendredi 2 août.
Pour tout renseignement, je vous remercie de me contacter.

Et pour finir une note zen

Denkô, ami de bien, fidèle soutien du Refuge, que certains d’entre vous connaissent, m’envoie l’un de ses poèmes rédigé spontanément. Je le partage avec vous :

L’expérience de l’instant est simple.
Les nuages dans le ciel se contentent de se promener.
Le coq chante simplement à l’aube.
Dans l’océan, les poissons nagent simplement.
L’eau d’une rivière ou d’une cascade coule simplement et tombe.
Méditer est simple.
La respiration ne nécessite pas l’effort de la volonté.
Le corps n’a pas besoin de prendre une posture particulière pour être.
Le zen est profondément simple.
Il est libre de toute idée ou interprétation.
Il n’existe ni n’existe pas.
S’il apparaît, sa force est telle qu’elle brise complètement la structure mentale du sujet.
Le zen est l’effondrement absolu de ce que tu penses être.
Par conséquent, observe si une quelconque tribulation, conceptualisation ou fixation surgit.
Va au-delà de ces mots.
Libère même l’intention de les abandonner.
Ne fais rien, ne laisse rien faire.
Tu es uni à ce qui se passe.

À bientôt au Refuge.
Les mains jointes,
Jiun (Éric Rommeluère).