Cher.e.s ami.e.s,

J’espère que vous allez bien en ce début d’année.

Pour ma part, j’achève la truelle à la main et avec une certaine satisfaction (!) une nouvelle salle de bain, tout en maçonnerie traditionnelle, en évitant le plus possible le plastique et en tout cas garantie sans silicone. J’avais demandé au maçon de me laisser terminer les enduits à la chaux à sa place. L’inadéquation entre nos besoins et nos ressources financières devient en effet préoccupante. Les coûts des matériaux et les tarifications des artisans ont encore augmenté en 2023 et grosso modo, les prix ont doublé depuis la crise du Covid, du moins en Sarthe où la pénurie d’artisans est criante. Nous n’avons plus d’autre choix que d’entreprendre les travaux nous-mêmes, même ceux que nous n’aurions pas imaginer faire, et de réserver les interventions extérieures à des travaux très spécifiques.

Cette année, nous ne ferons appel qu’au maçon et éventuellement au couvreur. Le maçon qui nous accompagne depuis cinq ans reprendra les encadrements et les linteaux de trois portes extérieures en très mauvais état (démolition, reconstruction). Je lui ai également demandé de reprendre deux murs du moulin qui pourraient tôt ou tard s’effondrer. Ça, je ne sais pas faire. Par ailleurs, nous ne pouvons plus guère différer la réfection complète de la toiture de la partie Est du grand bâtiment. A deux reprises déjà, des réparations ont du être effectuées pour colmater les entrées d’eau. J’ai demandé au charpentier-couvreur qui nous accompagne de programmer une intervention à l’automne prochain avec la possibilité de repousser le chantier. Car nous parlons ici de travaux d’un montant de plusieurs dizaines de milliers d’euros (devis en attente). Il ne s’agit pas simplement de démonter des tuiles et de poser des ardoises : il faut également reprendre la maçonnerie de la cheminée en sortie de toit, redresser la charpente et au besoin changer des poutres, refaire l’intégralité de l’isolation et changer trois fenêtres de toit. Çà, je ne sais pas faire non plus! Temps de travail estimé : deux à trois semaines pour six à huit personnes expérimentées.

Comment nous aider concrètement ?

– Déjà, je proposerai chaque mois une semaine de travail collectif accessible à tous sans compétence particulière, car beaucoup de travaux ont une partie simple. La bonne volonté suffit. En ce moment, nous sommes par exemple dans le temps de l’élagage des arbres et du stockage des bûches.

Les dates retenues pour le premier semestre sont : du 19 au 25 février, du 25 mars au 1er avril (Pâques), du 22 au 28 avril, du 20 au 26 mai (Pentecôte) et du 24 au 30 juin. Il sera possible d’arriver la veille (le dimanche) ou l’avant-veille (le samedi) et de venir pour quelques jours seulement ou pour toute la semaine. Participation financière pour les repas et les frais courants demandée.

– Si vous avez des compétences particulières (niveau semi-professionnel ou professionnel) dans les domaines suivants : menuiserie, maçonnerie traditionnelle, couverture, plomberie, électricité, n’hésitez pas à me contacter.

– Le maçon interviendra les semaines 15 (en avril), 20 (en mai) et 24 (en juin). Il est toujours ravi que des personnes l’aident. Compte-tenu de la spécificité des travaux cette année, il demande que les personnes aient déjà une bonne expérience de la maçonnerie traditionnelle.

Sur le plan financier :

– Évidemment, vous pouvez adhérer ou renouveler votre adhésion pour l’année 2024. Règlement par carte bleue ici, ou ci-dessous.

– Vous pouvez faire un don ponctuel ou mensuel. Règlement par carte bleue ici.

– Vous pouvez également devenir membre cofondateur en faisant un apport associatif d’un minimum de quatre cents euros (plus cotisation annuelle de cent euros). L’apport associatif, réservé aux organismes à but non lucratif, est l’équivalent de l’apport en capital pour les sociétés commerciales. Pour plus d’informations, écrivez-moi. Les membres cofondateurs peuvent également augmenter leur apport.

Si vous ne souhaitez pas régler par carte bleue, vous pouvez envoyer un chèque (Le Refuge du Plessis, 13 route de Sarcé, Le Plessis, 72800 Aubigné-Racan) ou faire un virement (Le Refuge du Plessis, IBAN FR76 3000 3012 2000 0372 6159 728).

Je vous remercie pour votre aide et votre soutien.

Adhérer

La salle de bain

Et pour vous donner une idée de ce que nous avons entrepris pour créer la salle de bain, voici la liste des travaux effectués. Nous partions d’une pièce en très mauvais état (les murs suintaient d’humidité), datée du XVIIe siècle, sans doute utilisée pour les animaux :
– Démolition du placoplâtre existant sur deux murs, piquetage des murs, (murs en moellons de tuffeau et mortier de terre), première couche d’enduit chaux-sable ;
– autour de la douche, cloisons en briques plâtrières, isolation en billes de liège, finition en ciment ciré ;
– cloison de douche en briques de verre montées de façon traditionnelle au mortier ;
– sur les autres murs, seconde couche d’enduit chaux-chanvre, enduit de finition et badigeon à la chaux ;
– création d’une ouverture et d’une fenêtre en bois massif ;
– sol en tomettes, récupérées dans le moulin et nettoyées ;
– au plafond, plaques de fermacell et isolation (à faire) en bottes de paille ;
– reprise d’un linteau et pose d’une porte intérieure ;
– création d’une canalisation extérieure raccordée à l’aire d’épuration ;
– création des circuits électriques ;
– création de la plomberie avec pose d’un chauffe-eau.
On est loin de la cabine de douche prêt à poser tout en plastique!

Le 8 décembre 2023

Le 8 décembre est le jour le plus important de la tradition zen. On célèbre ce jour là l’éveil du Bouddha Shâkyamuni. Quelques jours auparavant, les pratiquants se rassemblent et pendant sept jours restent absorbés en méditation tout comme le fit le Bouddha lui-même. Dans les anciennes écoles, l’éveil est présenté comme le dévoilement d’un nouveau savoir ou plutôt d’un triple savoir pour reprendre l’expression habituelle : toutes ses vies passées se révèlent au Bouddha, toutes les vies passées de tous les êtres se révèlent tout autant à lui et il connaît le chemin de la délivrance (les quatre nobles vérités). La tradition zen se démarque de cette vision : l’éveil ne relève pas d’un savoir. Comme vous l’avez peut-être remarqué, la tradition zen, qu’elle soit chinoise ou japonaise, n’évoque jamais ou presque les quatre nobles vérités. Le maître zen Dôgen explique que les bodhisattvas, les pratiquants du Grand Véhicule, ne les étudient pas et les quatre nobles vérités sont des moyens habiles destinés spécifiquement aux auditeurs, les tenants du Petit Véhicule. Sept jours durant, les pratiquants du zen, assis en méditation, se confrontent à l’énigme du non-savoir.

La tradition zen rapporte juste que le Bouddha s’éveilla «en grand» et qu’il prononça ces mots : «Moi et tous les êtres vivants sur la grande Terre avons simultanément réalisé l’éveil.» Sept jours durant, les pratiquants du zen, assis en méditation, se confrontent à l’énigme de la simultanéité.

Le Bouddha était assis sous un arbre, et le génie qui vivait dans l’arbre aperçut une caravane au loin, il courut et s’adressa aux marchands : «Un Bouddha vient de s’éveiller, venez vite lui rendre hommage… et il a faim». Deux marchands accoururent, offrirent du miel et dirent : «Nous prenons refuge dans le Bouddha, nous prenons refuge dans le dharma.» Sept jours durant, les pratiquants du zen, assis en méditation, revivent cet hommage du cœur.

Le 8 décembre dernier, j’ai donné la transmission (en japonais shihô ou dempô, les deux termes sont interchangeables) à Denkô Mesa (à gauche sur la photographie en-tête de page). J’avais moi-même reçu la transmission de Gudô Nishjima à Tôkyô en 2001. Denkô, que certains d’entre vous connaissent, est espagnol et vit à Ténérife dans les îles Canaries. Il anime la Comunidad Budista Zen Luz del Dharma. Il est difficile d’expliquer le sens de cette transmission qui ne ressemble à rien de connu dans notre horizon occidental. On serait tenté de la ramener à quelque chose de familier comme une certification ou un diplôme. Et pourtant non, le maître ne confère ni un titre ni un grade. La transmission est plutôt de l’ordre du mystère, même si effectivement l’un devient le successeur de l’autre et par là même intègre une lignée. À travers un rituel élaboré, maître et disciple actualisent le non-savoir, la simultanéité et l’hommage. À cette occasion, ils co-rédigent un document appelé shishô. Les noms des bouddhas et des patriarches de la lignée y sont disposés, non pas les uns après les autres, mais en cercle : car tous s’éveillent en même temps. Leurs noms émergent d’un cercle vide, le non-savoir. Et le disciple rend hommage par des dizaines et des dizaines de prosternations! Cette énigme de la simultanéité de l’éveil est un motif récurrent chez le maître zen Dôgen. Il a notamment écrit un livret intitulé Shishô (dans son œuvre maîtresse, le Shôbôgenzô). Il y développe longuement le thème de «la mutuelle succession des bouddhas et [de] la coïncidence de l’éveil des patriarches» dont le shishô est le signe.

Ce même 8 décembre, j’ai conféré les dix préceptes de bien (jûzenkai) à cinq pratiquants selon le rituel du maître japonais Jiun sonja. Ceux d’entre vous qui me connaissent savent l’importance que j’accorde à ces préceptes et à leur transmission, trois sont pour le corps, quatre sont pour la parole et trois sont pour l’esprit. On pourrait aussi traduire par «les dix engagements au bien», les bouddhistes tibétains francophones traduisent habituellement par «les dix actes positifs». Les livres du Grand Véhicule insistent : les bodhisattvas se reconnaissent à leur exercice des dix préceptes de bien. Jiun sonja qui vivait au XVIIIe siècle y voyait, lui, le fondement de toute pratique, ils devaient être pris avant même de recevoir les cinq préceptes de laïc, avant même de recevoir les deux cent cinquante préceptes de moine, avant même de recevoir les cinquante-huit préceptes de bodhisattva. Jiun sonja conféra ces préceptes à l’empereur et à son entourage, et pour l’occasion il rédigea des sermons explicatifs, l’un des joyaux de la littérature bouddhiste japonaise : Les sermons sur les dix préceptes de bien (Jûzenkai hôgo). Ils ont la particularité d’avoir été rédigés en deux versions, la première en kambun, c’est-à-dire dans le chinois des lettrés japonais, la seconde dans la langue régionale soutenue d’Ôsaka. Hélas, il n’existe qu’une seule traduction anglaise bien imparfaite publiée au début du XXe siècle. Puisse une nouvelle traduction voir le jour. Mais au moins, le rituel est traduit, les préceptes peuvent être donnés, et la pratique peut commencer.

Prenez soin de la Terre.
Les mains jointes,
Jiun (Éric Rommeluère)