La lettre du Refuge (novembre 2023)
J’espère que vous allez bien. J’ai tardé à vous envoyer des nouvelles du Refuge, car depuis fin août j’étais accaparé par des travaux quasi-herculéens ! J’ai en effet réhabilité le mur de soutènement de la chute d’eau du moulin. Le moulin actuel a été bâti dans les années 1650 (il semblerait qu’il y en ait eu un autre auparavant). À voir le matériel resté intact, le nombre de meules, la richesse des décorations, ce moulin devait être l’un des plus importants de la région. La chute d’eau fait cinq mètres de haut et serait, si j’en crois l’Association de Sauvegarde des Moulins et Rivières de la Sarthe, la plus haute chute de tous les moulins de la Sarthe. Au fil des siècles, il y a eu plusieurs éboulements et l’eau suintait de la retenue à de nombreux endroits. Il fallait donc agir rapidement, ce qui signifiait excaver, dégager les pierres éboulées et enfouies dans la terre, trouver de nouvelles pierres, apprendre la manière de bâtir un mur de soutènement, pour enfin pouvoir se lancer dans la maçonnerie. Le résultat n’est pas parfait, mais désormais la retenue est bien consolidée.
J’espère qu’un jour nous pourrons produire de l’hydroélectricité grâce à cette chute d’eau, les débits étants suffisants, du moins six mois de l’année, pour subvenir à nos besoins. Il y aura des questions techniques, juridiques aussi à résoudre, mais cela semble bien possible. D’ailleurs, la mairie qui comprend notre projet de résilience et d’autonomie propose de classer le moulin en «zone d’accélération des énergies renouvelables», une disposition offerte par la récente Loi d’accélération de la production des énergies renouvelables de mars 2023. «Dans ces zones, les délais des procédures seront plus précisément encadrés et les projets pourront bénéficier d’avantages dans les procédures d’appels d’offres afin de faciliter leur déploiement (points, bonus, modulation tarifaire, etc.).» (site de la mairie d’Aubigné-Racan).
Résider au Refuge
Vous avez été nombreux à nous rejoindre pour l’inauguration du Refuge en août dernier, et je vous en remercie. Le maire de la commune et plusieurs membres du conseil municipal étaient également présents. Cette année 2023 marque un tournant important puisque nous achevons la réhabilitation complète de l’aile Ouest du bâtiment principal après cinq ans d’efforts. Le Refuge a pour vocation de devenir un lieu de vie communautaire alliant une pratique soutenue du dharma et les pratiques de résilience face aux défis écologiques et sociaux actuels et à venir. Nous pouvons désormais envisager de proposer des séjours longs de plusieurs mois voire plus (en habitat léger ou en chambre). Bien sûr, les candidats devront être conscients des conditions rustiques et des travaux qui restent à entreprendre. Idéalement, ils devraient être plutôt jeunes, en bonne santé physique, et avoir des talents dans la rénovation (menuiserie, maçonnerie, couverture, etc.). Bien sûr, aucune de ces conditions n’est obligatoire, mais chacun doit être conscient des conditions de vie et de l’esprit qui souffle au Refuge.
Avec son souci de la rigueur et de l’autonomie, le temple d’Antaiji au Japon, dans la préfecture de Hyôgo, est en quelque sorte un modèle. Il y a plus de vingt ans, nous étions quelques-uns à y avoir passer quelques jours. Nous avions alors été réquisitionnés pour récolter le riz arrivé à maturité.
Ce temple était à l’origine un temple d’étude de l’école zen Sôtô à Kyôto. Les moines Sawaki Kôdô et Uchiyama Kôshô y avaient notamment enseigné. Dans les années 1970, l’abbé de l’époque décida de transférer le temple dans le Nord du Japon dans un lieu reculé pour y vivre une vie fondée sur la pratique de la méditation et le travail manuel à la manière des anciens moines qui rejoignaient les montagnes. Comme le dit l’adage zen, «Un jour sans travail, un jour sans manger.» L’hiver y est rigoureux, la pratique intense. Un Français, Clément Sans, de son nom de moine Tôzan, a récemment publié un beau livre sur son expérience de novice dans ce temple : Entre nuage et eau. Le quotidien d’un apprenti moine zen. Lisez-le pour comprendre l’esprit du zen. Il écrit : «Avancer sur un chemin spirituel demande rigueur, effort et diligence. Se regarder en face et plonger en soi, voir ses limitations et ses imperfections tout en avançant dans les pas des bouddhas et des patriarches n’est pas quelque chose de facile. Sans discipline et une certaine rusticité d’âme, il est selon moi compliqué de suivre un chemin religieux sans risquer de s’égarer. C’est grâce à cette aridité première, je crois, que la finesse et la délicatesse du zen peuvent d’ailleurs éclore.»
Une page du site internet du temple d’Antaiji résonne comme une sorte d’avertissement pour les nouveaux venus (l’abbé demandait également aux postulants de s’engager pour un minimum de trois ans). Les formulations sont fortes, mais elles expriment parfaitement l’approche du zen : «Antaiji est un temple consacré à la pratique du zen comme expression de la vie. La méditation et le travail manuel ne sont pas simplement pratiqués comme un moment de la vie, ce sont les vingt-quatre heures de votre vie quotidienne qui sont la manifestation du zen. Antaiji n’a pas d’autres pratiques particulières, d’enseignements, de techniques de méditation, connaissances ou d’accompagnement spirituel à vous offrir. Ce n’est pas non plus un lieu pour ressentir les mystères orientaux, avoir des expériences occultes ou simplement goûter à la culture japonaise. C’est un lieu où vous pouvez créer votre propre vie comme une pratique de bodhisattva. Bien que vous êtes censé rester ici pour une longue durée (trois ans ou plus), tout en vivant harmonieusement avec les autres pratiquants dans le monastère, la responsabilité de votre pratique ne revient qu’à vous. Personne ne vous torchera le derrière. Le plus important est de ne pas utiliser la voie du Bouddha pour votre propre compte, mais plutôt d’abandonner vos propres idées et de plonger totalement dans la pratique de la voie. Pour cela, vous devez être clairs sur le fondement de votre pratique et sur les motivations qui vous amènent ici. Si vous attendez de votre séjour quoi que ce soit d’autre que ce que la vie a à vous offrir en ce moment précis, vous serez invariablement déçu. Soyez certain de la raison de votre venue, ne vous abusez pas et n’abusez pas les autres».
Nous pourrions reprendre ces mots à notre compte et s’ils vous touchent, vous pouvez postuler!
Sagesses Bouddhistes du 12 novembre 2023
Une petite information enfin. J’étais invité il y a quelques jours dans l’émission Sagesses Bouddhistes sur France 2. je ne pouvais pas ne pas parler du Refuge. Vous pouvez voir ou revoir l’émission en replay sur le site de France 2 ou sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=ppmpkq2otQ8
Prenez soin de la Terre.
Les mains jointes.
Jiun (Éric Rommeluère)
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