Un billet anciennement publié sur le blog zen.viabloga.com.
Au Moyen-Âge, dans la tradition sōtō, lorsqu’un disciple avait l’éveil (satori), son maître lui donnait son sceau d’approbation (inka).
Voici le sceau d’approbation que donna le maître Gasan Jōseki (1275-1365) à son disciple Tsūgen Jakurei (1322-1391). Il s’agit d’un portrait de Gasan (ci-dessous) accompagné d’un poème (mais que l’on pense être un ajout tardif). Ce portrait est conservé au temple de Ryūsenji dans l’actuelle préfecture de Fukui.
L’éveil de Tsūgen est rapporté de la façon suivante dans « Les biographies des patriarches de l’école sōtō au Japon » (Nichiiki tōjō shoso den 日域洞上諸祖傳, 1699) :
一日聞山擧心身脱落話。忽然大悟云。我會也。山云。汝作麼生會。師云。和尚莫瞞人好。山云。心身何脱落時如何。師云。倒騎佛殿出山門。山云。莫亂走。師云羅籠不住。呼喚不回。拂袖便去。出微笑。
Un jour, il écoutait Gasan qui avait pris pour la commenter l’histoire du dépouillement du corps et de l’esprit (shinjin datsuraku) quand tout à coup il eut le grand éveil. Il s’exclama : «J’ai compris!»
Gasan lui demanda : «Qu’as-tu compris ?»
Le maître dit : «Révérend, mieux vaut ne pas tromper les gens.»
Gasan lui demanda : «Quand le corps et l’esprit sont dépouillés, que fais-tu ?»
Le maître répondit : «Je chevauche à l’envers la salle du Bouddha et je sors par la grande porte du temple.»
Gasan dit : «Ne cours pas dans tous les sens!»
Le maître dit : «Les pièges ne m’arrêteront pas, les cris ne me feront pas revenir en arrière.»
Il partit alors en secouant ses manches. Gasan eut un sourire.
Cela se passait comme ça dans les temps anciens! Mais ne nous trompons pas. Malgré son apparente spontanéité, ce dialogue très codifié reprend une série d’expressions et de clichés de la tradition zen chinoise. Il répond parfaitement aux attentes de l’éveil.
En-tête : L’abbé du Ryūsenji montrant un portrait de Tsūgen Jakurei conservé dans le temple (DR).
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