Le rakusu de l’école sōtō
Dans l’école zen sōtō, l’adoption généralisée du rakusu, le petit kesa à cinq bandes que l’on porte en sautoir autour du cou, est assez récente. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, un conflit oppose les deux sièges de l’école sur la confection du kesa. Le monastère de Sōjiji préconise le port du rakusu ainsi qu’un anneau pour attacher les deux pans du kesa ; le monastère d’Eiheiji refuse, quant à lui, le rakusu et préfère un système de cordons pour les attaches. Eiheiji s’en tient aux instructions de Dōgen (1200-1253) pour qui la taille du kesa à cinq bandes doit se conformer aux mesures traditionnelles. Il doit faire deux coudées de large par quatre ou cinq coudées de long. Par trois fois, en 1858, en 1860 et en 1861, le conflit est porté jusque devant les instances gouvernementales sans qu’un terme soit mis au différent. Finalement, dans le contexte de l’ère Meiji, un compromis est trouvé en 1886. Tous les moines porteront des kesa, bâtis selon le même patron et sans plus d’anneau, quelle que soit la tradition du temple. Le port du rakusu s’applique à tous, mais il possèdera un anneau sur l’une de ses bretelles.
Le kesa à cinq bandes dans la lignée de Jiun sonja
Jiun sonja (1718-1804) utilisait un kesa à cinq bandes cousu selon les règles indiennes. Dans son article intitulé «Les kesa à cinq bandes de Jiun sonja» (jiun sonja no gojōe ni tsuite), Kawaguchi Kōfū fait une analyse succincte des kesa à cinq bandes qui font partie de l’ensemble des mille kesa que Jiun sonja donna à coudre à ses disciples. Leurs caractéristiques furent soigneusement répertoriés avec des détails comme la taille, la couleur, le tissu, la méthode de couture, ou bien encore le nom des personnes qui offrirent le tissu, qui les cousurent ou qui les reçurent. Cent treize kesa à cinq bandes sont dénombrés au total. Leurs dimensions sont pas systématiquement mentionnées, mais à chaque fois qu’elles le sont, la taille est de deux coudées par quatre. La plus grande partie de ces kesa sont de couleur mokuran (ocre-roux) (73 kesa), cousus selon la méthode coupée-cousue (61 kesa) avec des motifs en dents de cheval (64 kesa).
Dans ce même article, Kawaguchi décrit un kesa à cinq bandes ayant appartenu à une série de mille autres kesa confectionnés à la demande de Koun Kainyo (1803-1872), septième abbé du temple de Kōkiji, et qui appartenait à la lignée de Jiun sonja. Ce kesa mesure 94 centimètres de large sur 190 de long, ce qui correspond à une taille de deux coudées par quatre. Il est de couleur mokuran, cousu selon la méthode coupée-cousue avec des motifs en dents de cheval. Une lettre sanskrite est marquée dans le coin droit. Photographie ci-dessus dans l’en-tête de l’article.
La boîte dans lequel ce kesa est conservé contient une note manuscrite, datée de la quatrième année de l’ère Ansei [1857], d’un certain Honkyō Myōyō :
Le kesa est la tenue des bouddhas qui empruntent la même voie. Les sages et les saints des trois véhicules le revêtent tous. L’Inde et la Chine l’ont institué et au Japon, il fut déposé dans le casque divin de Kashima. Le Grand sanctuaire ainsi que le Sanctuaire de Hachiman le respectaient et faisaient venir des kesa de moines de renom. Jōgū taishi et En no gyōja ne s’en séparaient jamais. On peut ainsi prendre la mesure de ses vertus. Cette robe est la toute première des mille robes du maître de discipline Kainyo qui furent charitablement distribuées. Dans l’un de ses angles, elle porte [la syllabe de] la dhāranī du sceau sur la précieuse boîte aux reliques. Il la portait lui-même depuis longtemps lors des rituels et des consécrations. Le maître de maison Sanami Jōshō [et son épouse] sœur Enmyō avaient une foi intense et la reçurent alors. Les voici à l’abri de toutes les vicissitudes. Si l’on observe la prescription du Bouddha de toujours le poser humblement sur la tête, de lui faire offrande et de le vénérer comme on le ferait pour un Bouddha ou un stūpa, les mérites obtenus en seront innombrables. Marqués par l’outrage du temps, les femmes enceintes, les malades et les mourants, qui l’acceptent, l’honorent et le transmettent pour l’éternité seront traités avec respect comme des pacificateurs en la maison. La boîte est à présent terminée et l’on a tellement insisté pour que j’écrive une note que je l’ai rédigée.
Respectueusement consigné par Honkyō Myōyō un jour faste du premier mois de l’année hinoto mi, l’an quatre de l’ère Ansei.
La version originale (les marques de voisement absentes du texte sont rétablies) :
夫袈裟は佛佛同道の章服、三乘の賢聖共に被奉する所也。天竺震旦は置て、日本には鹿島の神兠の中に納め、太神宮八幡宮共に尊重して名僧の袈裟を乞たまへり。上宮太子役行者、常に身を離ち玉はず。是を以て其徳をはかりしるべし。此衣海如律師施行千衣の隨一にして、衣角の中に舎利寶篋印陀羅尼を納め、修法加持し自ら年來被奉する所也。時に佐波常照居士、圓明姉の篤信を感して授けられたり。餘は一切吉凶のことによらず。常常頂戴供養し、佛の如く塔の如く敬ふべき佛制を守らば、其獲福量りなかるべし。妊者病者臨終人年月厄難一切頂戴尊重し永世に傳へて恭く家鎭とすべし。今箱成て記を餘に乞ふ。因て記。
安政四年歳在丁巳正月吉日 本恭玅耀拜誌
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