La lettre du Refuge (juillet 2022)

Cher.e.s ami.e.s,

J’espère que vous allez bien et que vous restez vaillant, malgré les temps complexes et incertains. Même dans l’environnement protégé du Refuge, le dérèglement climatique est une réalité bien visible. De nombreux arbres sont encore morts ces derniers mois. Le cycle de vie des plantes s’est grandement accéléré cette année. Avec deux mois d’avance, les pommes et les poires sont déjà prêtes à cueillir. Je regarde souvent les plants de berce, une plante comestible assez commune, car je récolte et je cuisine ses feuilles, ses bourgeons, ses feuilles, ses pétioles ou ses fruits. Elle était hier en fleurs et voici qu’elle fructifie déjà. Habituellement ses fruits n’apparaissent qu’au moins de septembre, jamais au mois de juillet.

Le traitement des eaux usées

Voici quelques jours, un important chantier, nécessaire et trop longtemps différé, s’est achevé. Nous avons créé une installation pour le traitement des eaux usées du bâtiment principal (les eaux de la cuisine et des salles de bain). Les installations conventionnelles sont onéreuses, ont une durée de vie limitée, et les matériaux utilisés ne sont guère respectueux de l’environnement. Nous avons finalement opté pour un traitement par pédoépuration (l’épuration par le sol, pedos en grec). Ce système, peu connu encore, représente une vraie alternative écologique. En plus, il ne coûte presque rien à mettre en place. Le principe est simple : les eaux usées se déversent dans des tranchées remplies de broyat de bois qui font office de filtres ; en complément des arbres fruitiers sont plantés entre les tranchées qui absorbent l’excédent d’eau. C’est tout! Bon, la mise en œuvre est un peu plus complexe car il faut tenir compte de la configuration du terrain, des pentes et de la nature du sol. Comme nous avions quelques contraintes techniques, nous avons été accompagnés par l’association Pierre et Terre qui est, à ma connaissance, la seule association qui propose actuellement en France ce genre d’accompagnement. Des produits comme l’eau de Javel, mais aussi les produits d’hygiène et de toilette qui ne sont pas totalement biodégradables, sont évidemment à prohiber dans ce système d’épuration.

Si vous êtes curieux, intéressé par ce mode de traitement, vous pouvez regarder une vidéo de présentation ci-dessous.

Nous avons fait appel au terrassier qui nous accompagne depuis la création du Refuge. Nous avons profité de sa présence pour refaire les évacuations des eaux pluviales, poser un drain dans le terrain, mais aussi créer une noue d’une vingtaine de mètres de long à l’arrière du bâtiment principal en limite de la zone humide ; une noue est un fossé drainant qui permet d’évacuer les infiltrations du terrain. Bien nous en a pris, car un filet d’eau a coulé en continu dans ce fossé pendant une semaine bien qu’il n’ait quasiment pas plu depuis six mois. Depuis deux, trois jours l’écoulement s’est finalement arrêté. L’arrière du bâtiment principal prend un tout autre aspect et inspire des aménagements à venir. En tout cas des arbres fruitiers devront être plantés cet automne. Je prévois de planter du lyciet, un arbrisseau qui donne les fameuses baies de goji.

Bon, le chantier a été un peu épique. Le terrassier prévoyait deux jours de travail ; au final, il est resté une semaine et il a du faire appel à un renfort. Nous avons eu la désagréable surprise de trouver une grande fosse en béton, non répertoriée, qu’il a fallu démolir et évacuer. Après ça, les camions, trop chargés, restaient embourbés, sans pouvoir sortir du terrain!

Les autres chantiers

Les chantiers seront limités cette année, les prix des matériaux, tout particulièrement le bois, se sont envolés. Une planche que j’achetais un euro il y a deux ans se vend désormais six euros à la scierie. Il nous faut donc être inventifs, chiner de vieilles poutres, et devenir des bâtisseurs autonomes. Dans les semaines à venir, nous organisons deux chantiers participatifs sous la direction de Louis G., le maçon qui nous aide depuis le tout début : il interviendra la semaine du 15 août (du 15 au 19) et en octobre (du 10 au 14). En août, il devrait prendre à bras le corps l’un des derniers problèmes structurels restant, un mur à l’allure bancale et boursouflée qui pourrait signer un mur creux susceptible d’effondrement. Pour ceux d’entre vous qui sont déjà venus au Refuge, il s’agit du mur Nord de l’ancienne étable. Il procédera à des sondages, et au besoin, restaurera complètement le mur. Tout le monde est le bienvenu, un jour, deux jours, cinq jours pour ces chantiers participatifs.

Un jour sans travail, un jour sans manger

La restauration des bâtiments nous occupe encore et nous passons beaucoup de temps à travailler. C’est assez naturel pour des pratiquants du zen. Dans un monastère zen, la journée s’organise autour de quatre pôles : méditer, manger, travailler et dormir. Le dicton est connu : Un jour sans travail, un jour sans manger. En Chine, le maître zen Baizhang était âgé et ses disciples avait caché sa houe tant il le voyait travailler : Ne pourrait-il enfin se reposer ? Le maître se montra fort mécontent, il décida de faire la grève de la faim tant que sa houe ne lui serait pas rendue. «Un jour sans travail, un jour sans manger», s’exclama-t-il. Le terme japonais est samu que l’on traduit, faute de mieux, par travail manuel, mais la simple traduction évacue la profondeur du geste. Récemment, un visiteur du Refuge travaillait dans le terrain. Il était occupé à enlever des bouts d’un sac plastique qui s’était lentement décomposé et se mêlait à la terre. Malheureusement, les anciens occupants ne se souciaient guère de l’environnement et jetaient ici ou là les déchets. Cette personne me demanda quel était le sens du samu. En fait, le samu ne consiste pas simplement à subvenir à ses propres besoins ou encore à accomplir des tâches pour la collectivité ; dans une dimension bouddhiste, il s’agit plus fondamentalement de prendre soin de la Terre et tous les êtres qui l’habitent, les visibles comme les invisibles, les vivants comme les disparus, et ce n’est pas exactement un travail, du moins au sens où on l’entend habituellement. Embellir le monde, ou tout au moins un coin du monde, serait plus juste. Ce travail là requiert délicatesse et attention. Et c’est ce que faisait cette personne, patiemment ; elle enlevait un bout de plastique, encore un bout, et puis encore un autre. Cela paraissait sans fin. Il faut du temps pour prendre soin de la vie, et cela nous occupe bien quelques heures par jour.

Au potager

Vous avez été nombreux à me demander si j’avais pu mettre en place la petite rizière expérimentale de quelques mètres carrés dans la zone humide comme je l’avais projeté. Malheureusement non. Quelques soucis de santé ont limité mes actions, et puis surtout la zone humide était vraiment gorgée d’eau cette année. L’accès reste encore très difficile dans cette zone, le travail quasi-impossible. L’idée doit encore mûrir. Avec le rythme de la nature, j’apprends à observer, à vivre sur le temps long. Un projet peut prendre des mois, des années, avant que toutes les conditions soient réunies. Mais peut-être pourrons-nous produire un jour le riz du Refuge, qui sait.

Faute de temps, le potager est moins ambitieux cette année. La récolte des fruits, pommes, poires, coings, noix s’annonce abondante (plusieurs centaines de kilos)! Seuls les pruniers et les cerisiers n’auront rien produit cette année, une gelée tardive a eu raison de la floraison.

L’assemblée générale

L’assemblée générale de l’association se tiendra le dimanche 21 août à 15 heures. Vous êtes toutes et tous les bienvenus. À cette occasion, nous pourrons faire une visite guidée des métamorphoses du Refuge. Les horaires prévus : assemblée générale de 15 h à 16 h 30 ; visite guidée de 16 h 30 à 18 h. Les membres de l’association recevront d’ici quelques jours une note plus complète accompagné d’un pouvoir.

Si vous n’êtes pas encore adhérent, si vous avez oublié de régler votre cotisation, vous pouvez adhérer à l’association en quelques clics sur notre page dédiée sur le site de financement participatif HelloAsso. C’est par ici.

Je vous remercie de votre lecture.
Prenez soin de la Terre et de tous les êtres qui l’habitent.
Jiun (Éric Rommeluère)