Mon maître de transmission ne s’est pas toujours appelé « le vieux Gudō » (Gudō rōjin ; dans un contexte zen, « vieux » est un titre honorifique) mais Nishijima Kazuo, son nom civil.

Au Japon aujourd’hui, la quasi totalité des prêtres zen forment une société à part, une caste fermée, où l’on devient prêtre par voie héréditaire. Très peu le sont par vocation personnelle. Nishijima n’appartient pas à ce milieu. Comme beaucoup de Japonais qui pratiquent la méditation, il s’est contenté de rester laïque toute sa vie durant. Malgré tout, en 1973, il voulut recevoir les préceptes du Bouddha. Il se rendit alors auprès de Niwa Rempō, un maître zen au tempérament doux. Kazuo avait 54 ans et le vieux maître 68 ans. Ils avaient passé l’âge des enfantillages et seule l’authenticité comptait. À la manière japonaise, Kazuo lui demanda de devenir son disciple. Rempō écouta mais ne répondit pas. Simplement Rempō écouta et pleura, pleura.

Kazuo reçut les préceptes bouddhistes et les noms zen de Gudō Wafu des mains du maître Rempō en décembre 1973. Gudō signifie, « la voie de l’idiot », et Wafu, qui n’est que la lecture chinoise de Kazuo, « L’homme tranquille ».

En 1992, Le vieux Gudō écrivait, en guise d’introduction à son livre To meet the real Dragon :

« Je m’appelle Nishijima. Je suis un moine bouddhiste. Je suis devenu moine assez tard dans ma vie. Comme il m’a fallu bien longtemps pour trouver ma véritable vocation, j’ai pris le nom de Gudō lors de mon ordination. Gu a le sens de direct ou de stupide, dō celui de vérité ou de voie. Même un homme stupide peut trouver la vérité.

Je suis donc plutôt lent et stupide, mais j’ai vécu plus de soixante-dix ans maintenant et pendant plus de cinquante ans, j’ai pratiqué la vie bouddhiste et j’ai étudié la philosophie bouddhiste. Lentement et sûrement, j’ai marché sur mon chemin direct et stupide. Lentement et sûrement, j’ai appris le sens de cette vie. J’ai appris à vivre. »

Les mains jointes, Jiun.