Après la méditation, une personne me pose la question suivante : « Si l’on ressent des difficultés physiques ou des douleurs pendant la méditation, peut-on prendre appui sur les sensations comme dans la méditation vipassanâ de la tradition Theravâda ? J’ai pratiqué dans cette tradition et l’on apprend à « scanner » l’ensemble des processus physiques et psychiques pendant la méditation. »
Je n’ai pratiqué que le zen et il m’est difficile de parler des autres pratiques de méditation bouddhiste. Mais, telle que je la comprends, la méditation vipassanâ m’apparaît comme une technique d’objectivation des sensations. Certains enseignants conseillent jusqu’à noter mentalement l’ensemble des sensations qui surgissent d’instant en instant, le froid, le chaud, la douleur, le confort, l’endormissement, telle ou telle pensée, etc., sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre, sans juger même d’un bon ou d’un mauvais état de méditation. Objectivées, les sensations n’apparaissent plus comme miennes, ce n’est plus « je pense » mais « il y a de la pensée », n’étant plus miennes elles sont dès lors neutralisées.
La méditation zen est différente puisqu’elle cherche d’emblée un état d’unité. Pour rendre compte de cette dimension méditative, les Chinois et les Japonais utilisent l’expression tajô ippen, « devenir un » (ta = préfixe verbal d’insistance ; jô = devenir ; ichi = un ; hen = bloc). Le corps, la respiration, le mental s’unifient avec fluidité. Il n’y a donc à aucun moment mise à distance d’une quelconque sensation corporelle, respiratoire ou mentale. Bien sûr, on ne ressent pas toujours l’unité, des difficultés et des douleurs peuvent surgir. On préconise alors des techniques de concentration, le plus souvent sur la respiration. Mais même dans ce cas, on ne note pas, on ne visualise pas le passage du souffle, on cherche plutôt à s’unifier avec lui.
Au Japon, à l’époque Edô (XVIIe-XVIIIe siècles) il y eut des débats dans la tradition zen sur le contenu même de la méditation. Certaines écoles proposaient un exercice qui s’appelle « l’observation des respirations », zuisokukan (zui = suivre ; soku = respiration ; kan = contemplation). Selon la description classique, il s’agit de reconnaître « qu’une respiration longue est longue et qu’une respiration courte est courte ». L’observation des respirations forme le second volet de la méditation ampan ou ânapânasmrti utilisée dans les anciennes écoles indiennes. Le vipassanâ moderne remonte à cette ancienne méthode d’observation du souffle, je suppose. Si quelques maîtres zen reprennent à l’époque cette observation des respirations, la plupart ne le font pas, et aujourd’hui nul enseignant zen, à ma connaissance, ne pratique cette forme de méditation.
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