Demain, nous avons à Paris une journée de méditation et je relis pour l’occasion différents manuels de l’école zen sôtô. A l’époque Edô (XVIIe-XVIIIe siècles), de nombreux débats agitent les moines zen : qu’est-ce qu’on fait exactement, assis sur un coussin, et pourquoi le fait-on ? Comme il y a justement débat, les textes deviennent très précis. Et là, je tombe sur un sermon d’un certain Bannan. Le texte est passionnant par ses descriptions détaillées. Il n’utilise pas, par exemple, de coussin rond, mais replie simplement une courtepointe. S’il propose quelques techniques comme de compter les respirations ou de visualiser la décomposition d’un cadavre (une pratique pour les débutants, dit-il !), l’observation de la respiration reste pour lui le cœur de la méditation. Il l’associe à des pratiques taoïstes de nourrir le souffle vital. Il écrit :

La règle de l’harmonisation du souffle consiste à entretenir l’énergie vitale dans le champ de cinabre de l’océan de l’énergie sans qu’elle remonte du nombril. La respiration passe par le nez, ni rapide ni lente, sans haleter ni souffler, on sait l’expiration, on reconnaît l’inspiration, la conscience suit la respiration, sans la laisser monter ou descendre, aller ou venir, sans réfléchir, sans évaluer, on ne fait que ressentir les expirations et les inspirations sans en perdre une seule.

Oboeru, le verbe que je traduis par « ressentir » a le sens d’éprouver une sensation, comme lorsqu’on ressent de la douleur ou de la fatigue. Ne dirait-on pas une forme de vipassanâ ?

On pourrait être tenté d’essayer, seul, les directives de Bannan, mais je ne le conseillerais pas. L’apprentissage de la méditation nécessite la direction d’un enseignant qui, sans cesse, oriente, conseille, encourage, explique ou propose telle ou telle technique selon les difficultés rencontrées. Il existe différentes approches et méthodes, on peut les connaître. Mais l’expérience elle-même a besoin d’un cadre. Car on aborde la méditation avec sa propre histoire psychologique et corporelle. Personne ne la vivra de la même manière, chacun avec ses difficultés et facilités propres. Ce ne sont pas juste quelques conseils qu’il convient de prendre mais d’avancer avec authenticité dans la rencontre du cœur. Une amitié réelle et sincère avec un enseignant est vitale.

Version espagnole

Mañana tendremos en París una jornada de meditación y para la ocasión releo diferentes manuales de la escuela sôtô zen. En la época Edô (ss. XVII-XVIII) frecuentes debates agitaban a los monjes zen : ¿Qué es lo que exactamente se hace sentado sobre un cojín, y por qué se hace? Precisamente por que había debate los textos se convierten en muy precisos. Entre ellos, me encuentro con un sermón de un tal Bannan. El texto es apasionante por sus descripciones detalladas. No utiliza, por ejemplo, un cojín redondo, pliega simplemente un cubrecama. Si bien propone algunas técnicas como contar las respiraciones o visualizar la descomposición de un cadáver (una práctica para principiantes, dice), la observación de la respiración permanece para él como el centro de la meditación. Lo asocia con prácticas taoístas de alimentar el aliento vital. Escribe :

La regla de la armonización del aliento consiste en mantener la energía vital en el campo de cinabrio del océano de la energía sin que suba del ombligo. La respiración pasa por la nariz, ni rápida ni lenta, sin jadear ni soplar, percibimos la expiración, reconocemos la inspiración, la conciencia sigue a la respiración, sin dejarla subir o descender, ir o venir, sin reflexionar, sin evaluar, no se hace mas que experimentar las expiraciones y las inspiraciones sin dejar una sola.

Oboeru, el verbo que he traducido por “experimentar”, tiene el sentido de sentir una sensación, como cuando se siente dolor o fatiga. ¿No diríamos que es una especie de vipassanâ?

Se podría estar tentado de intentar ensayar solo la directrices de Bannan, pero yo no lo aconsejaría. El aprendizaje de la meditación necesita la dirección de un enseñante que sin cesar, oriente, aconseje, aliente, explique o proponga tal o cual técnica según las dificultades encontradas. Existen diferentes enfoques y métodos, se les puede conocer. Pero la experiencia en si misma tiene necesidad de un marco. Ya que se aborda la meditación con la propia historia psicológica y corporal. Nadie la vivirá de la misma forma, cada uno con sus dificultades y facilidades propias. Esto no son precisamente algunos consejos que convenga tener en cuenta, sino avanzar con autenticidad en el reencuentro del corazón. Una amistad real y sincera con un enseñante es vital.

Photographie : Bannan Eishu (1591-1654), abbé-fondateur du temple de Rinnanji. DR Rinnanji.