Dans l’apprentissage du bouddhisme, on peut méditer, étudier, lire des textes traditionnels, parler de l’Orient. Mais aujourd’hui, il nous faut traduire en des termes neufs cette tradition afin qu’elle puisse s’incarner réellement dans nos vies. Le bouddhisme possède une dimension d’authenticité et d’universalité qui peut parler à chacun d’entre nous, encore faut-il trouver le langage adéquat. Et puis, bien des confusions demeurent. Qu’il faut lever. Quoi qu’en disent les magazines, le zen n’est ni une méthode de bien-être ni une technique de relaxation. Il s’agit d’une voie, au sens le plus noble du terme, où l’on explore avec audace sa propre identité. Loin de vous proposer un exercice de délassement, le zen scie plutôt, un et un, les pieds de la chaise sur laquelle vous êtes plus ou moins confortablement installé : les faux-semblants, les apparences, les compromis que l’on fait sans cesse avec soi-même. Si cette voie d’éveil offre de grandes richesses, elle requiert une réelle intrépidité. Oser est le maître-mot du zen. Nos peurs nous retiennent d’oser. En même temps ce sont nos peurs qui nous posent problème. Et nous savons bien comme le pas décisif est là : savoir oser.

L’audace n’est pas tant celle d’oser entreprendre quelque chose, qu’une entreprise plus fondamentale encore, il s’agit d’oser la vie. Nous sommes toujours vivants, mais le sommes nous, réellement, sans être entravés par des obstacles intérieurs qui nous empêchent de nous tenir droit dans cette vie ?

Le zen possède un exercice singulier pour travailler à même la matière de nos vies : la méditation. La méditation est un processus de désencombrement intérieur, on enlève une à une toutes les idées, toutes les représentations que l’on a sur soi-même et qui le voilent. L’exercice ne pas si aisé qu’il y paraît, on croit qu’en pensant à rien, on y est. Mais non, demeurer assis tranquillement nous emmène le plus souvent qu’au seul seuil de la méditation. Il faut encore faire un pas supplémentaire, se permettre de se délester vraiment de tout ce qui nous encombre. L’exercice est délicat car tant de choses nous retiennent encore. A force d’enlever, des peurs souvent surgissent, c’est comme si soudain un grand vide ou un abîme apparaissaient. Et pourtant en faisant ce saut intérieur, on ne sombre pas dans un puits sans fond, on se retrouve plutôt enfin. Finalement, la méditation nous conduit à saper les faux-semblants, les multiples compromis que l’on fait chaque jour avec soi-même. Un jour, ils doivent bien rompre. C’est cette audace de la rupture que l’on doit provoquer.

Il ne s’agit donc pas d’oser n’importe quoi, à tort et à travers. Tout véritable engagement suppose que l’on assume son engagement. Et plus on est affermi, plus on peut prendre de risques assumés.

Oser, s’engager, ne sont-ils pas les plus cadeaux que l’on puisse faire à la vie, quitte parfois à se tromper et même à tomber ?

Photographie : Le bâtiment communautaire du temple zen de Tôkei’in, près de la ville de Shizuoka (180 km au sud-ouest de Tôkyô), là où s’entraînent « les éléphants et les dragons. »