Je dois partager avec vous une information importante : dans l’après-midi ou la soirée du mardi 11 mars 2025, le plafond entre le rez-de-chaussée et l’étage du moulin au Refuge du Plessis s’est effondré. Les dégâts sont très importants : un pan de mur s’est écroulé sur environ trois mètres de large et trois mètres de haut entraînant la chute de l’une des poutres centrales longue de six mètres. Par effet de domino, les solives et la plus grande partie du plancher sur environ cinquante mètres carrés sont tombés au sol. Plusieurs murs sont fortement endommagés avec de nombreuses pierres décelées.
Le chantier de charpente-couverture avait commencé mardi matin. Il paraît difficile de ne pas faire un lien entre l’usage intensif d’un engin de chantier de douze tonnes au ras des murs du moulin et cet effondrement. Les experts d’assurance détermineront les responsabilités. Avec un ami, nous avons rapidement sécurisé les lieux en posant une série d’étais : plusieurs poutres sont en effet en équilibre et sont susceptibles de tomber à tout moment.
L’art de la perte
Voici donc une occasion toute particulière pour pratiquer les enseignements des bouddhas. Le zen a différentes formules pour toucher au cœur de ces enseignements ; le maître zen Sawaki Kōdō les résumait, lui, par une phrase lapidaire : « Le zen c’est l’art de la perte ». Le fonctionnement ordinaire de l’être humain est fondé sur le gain. On construit et l’on compose une existence, on se façonne une identité, on sécurise un environnement, on bâtit une carrière, etc. Pour les bouddhas, tous ces ressorts narcissiques ordinaires sont bien la clé du problème fondamental de l’existence : Au plus profond de nous, nous ressentons un déficit d’être ; nous avons peur de mourir, nous avons peur de ne pas être aimé, nous avons peur de ne pas être reconnu. Pour juguler ces peurs fondamentales, nous consacrons tous nos efforts à des stratégies de construction, tout doit tenir et rien ne doit s’effondrer. Tout l’enjeu de la pratique bouddhiste consiste donc à se défaire de toutes ces stratégies. Le Sūtra du cœur le dit : « Il n’y a rien à obtenir ». Malgré l’effondrement dans le moulin je me surprends à ne pas être préoccupé et à bien dormir comme à l’accoutumée. J’y vois la protection des bouddhas.
Dans le Sūtra du cœur il est dit encore : « Comme le bodhisattva s’appuie sur la vertu de sagesse, son esprit ne connaît plus d’empêchement et comme il ne connaît plus d’empêchement, il est dénué de crainte. » Depuis six ans maintenant je consacre toute mon énergie physique et mentale au Refuge. Parfois, j’entends des personnes dire qu’il s’agit de « mon » lieu ou de « « mon » projet. Je ne le vois pas du tout comme cela et ce lieu ne m’appartient pas. S’il s’agissait de « mon » lieu, ce ne serait que la matérialisation d’un désir narcissique et ce serait aller à l’encontre des enseignements. Au Refuge, les bouddhas souhaitent simplement créer un espace merveilleux pour le bien de tous les êtres, je suis leur serviteur, et c’est ainsi que je le vis. Il n’y a rien à saisir et l’on peut être dénué de peur.
Allez, je retourne au travail. La suite, bientôt.
Les mains jointes, Jiun (Éric Rommeluère)
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