Les dashis, éléments indispensables de la shojine

La shojine, la cuisine des temples bouddhistes, est végétarienne. Par ses goûts, par ses textures, elle est néanmoins très différente de la cuisine végétarienne occidentale. Il ne s’agit pas d’une cuisine des épices, même si le piment, le poivre et le cinq-épices sont employés à l’occasion. Son goût sobre et modéré, si caractéristique, s’obtient notamment par la cuisson des aliments dans une base liquide, dashi 出汁 en japonais. Le trempage d’aliments séchés donne cette eau parfumée, au goût parfois intense. Le terme parfois utilisé de «bouillon» pour rendre en français celui de dashi n’est guère adéquat car il ne s’agit souvent que d’un simple trempage à froid ; quant aux préparations à chaud, elles ne doivent jamais bouillir.

Les bases sont variées et peuvent se préparer avec des algues, des champignons, des légumes ainsi que des haricots de soja. Les Japonais utilisent l’expression «les bases liquides de la shojine» ( 精進出汁 shōjin dashi) pour les distinguer des bases liquides habituelles de la cuisine japonaise préparées avec des copeaux de bonite séchée (la bonite est un poisson).

Souvent, les ouvrages consacrés à la shojine recommandent de laisser tremper ces préparations toute une nuit au réfrigérateur avant de les utiliser, mais nul besoin de réfrigérateur : on peut tout aussi bien les préparer et les laisser reposer à température ambiante avant utilisation. Ces bases liquides se conservent quelques jours au frais (cave ou réfrigérateur). La qualité de l’eau affecte évidemment leur qualité, de préférence on utilisera une eau filtrée et non chlorée.

Je vous propose quelques recettes de bases préparées avec de l’eau et un seul ingrédient. Les combinaisons de plusieurs bases feront l’objet d’un autre article.

La base liquide d’algue kombu (konbu dashi)

Il s’agit de la base liquide la plus employée. Elle est préparée avec du konbu 昆布, une algue brune de la famille des laminaires. Il existe deux méthodes de préparation : par trempage à froid ou par trempage à chaud de l’algue séchée. Les Japonais utilisent plusieurs variétés spécifiques de la Mer du Japon et de l’Atlantique, les plus courantes sont le hidaka konbu (Laminaria angustata de son nom latin) et le ma konbu (Laminaria japonica). J’utilise les variétés des côtes atlantiques commercialisées sous les appellations de kombu breton (la laminaire digitée, Laminaria digitata) et de kombu royal (la laminaire sucrée, Saccharina latissima). La base liquide de kombu breton (laminaire digitée) a un goût iodé assez marqué, celle au kombu royal (laminaire sucrée) est plus douce et sucrée. Je compte environ 15 g d’algue séchée par litre d’eau.

Le trempage à froid. Ne lavez pas l’algue! Les traces blanchâtres sur l’algue séchée sont normales. Essuyez délicatement avec un linge, placez l’algue dans un grand récipient ou dans une grande bouteille en verre, ajoutez l’eau, couvrez. Gardez 10 à 12 heures (une nuit) avant utilisation. Pour de grands volumes, coupez l’algue en morceaux. Une fois la base liquide obtenue, on peut laisser l’algue dans son eau.

Le trempage à chaud. Faites tout d’abord tremper l’algue 3 heures à froid puis portez l’eau de trempage avec son algue à 80 degrés (eau frémissante). Arrêtez le feu et laissez complètement refroidir.

Un second dashi

L’algue kombu peut-être réutilisée pour préparer une nouvelle base liquide, et parfois pour une troisième. Le goût sera un peu moins marqué. Elle se prépare à chaud. Dans une casserole, l’algue réhydratée est plongée dans 1 litre d’eau froide. On laisse monter la température à feu moyen, on baisse le feu peu avant l’ébullition, on garde quelques minutes à feu doux avant d’arrêter la cuisson.

Bon plan

Plutôt que d’acheter les algues en petits paquets, assez chers, que l’on trouve dans les magasins bio, j’achète du kombu royal en feuilles par 5 kg chez Biocéan, c’est deux fois moins cher : Avec 5 kg, vous en avez pour plusieurs années! Il suffit d’entreposer le sac dans un endroit bien sec. Leur boutique en ligne.

La base liquide d’algue wakamé (wakame dashi)

L’algue wakamé (en japonais wakame 若和布, Undaria pinnatifida) est une algue brune présente sur les côtes atlantiques. Elle est commercialisée sous forme de paillettes ou de filaments.

Comptez 25 g de filaments de wakamé pour 1 litre d’eau. Réhydratez simplement les filaments une quinzaine de minutes dans l’eau froide, en changeant la première eau après 5 minutes. Cette base liquide est peu utilisée.

La base liquide de shiitaké (shiitake dashi)

Le lentin du chêne (en japonais shiitake 椎茸, Lentinus edodes) est un champignon plus connu maintenant sous son nom japonais. Il est devenu en quelques années l’un des champignons les plus cultivés en France après le champignon de Paris.

Comptez trois shiitaké de taille moyenne pour 1 litre d’eau. Laissez tremper les champignons une dizaine de minutes dans une première eau pour enlever saletés et poussières, jetez l’eau, puis laissez tremper dans une eau froide voire légèrement tiède pendant 12 à 24 heures dans un récipient en verre. Couvrez. Vous pouvez diminuer la quantité d’eau pour un goût plus intense.

Le shiitaké n’est pas si aisé à trouver sous une forme sèche (hormis dans les magasins asiatiques, mais sa qualité est loin d’être assurée, surtout si l’on souhaite manger bio). Le plus simple consiste à acheter des champignons frais à un producteur ou à un maraîcher au marché, de les faire sécher soi-même (au four à 40° C pendant deux heures environ) puis de les conserver dans des bocaux hermétiques. Des explications détaillées.

La base liquide de haricots de soja

Les proportions sont de 100 g de haricots pour 1 litre d’eau. Rincez les haricots, égouttez. Dans une poêle, faites griller à sec les haricots à feu doux jusqu’à ce qu’ils brunissent légèrement. Remuez continuellement avec une spatule. Arrêtez le feu, versez dans une eau bouillante et laissez tremper environ 12 heures.

La base liquide de légumes

Cette base peut se préparer avec les épluchures, la peau ou les parties un peu dures des légumes comme le bois central des carottes. Comptez 200 g d’épluchures pour 1 litre d’eau.

Les épluchures sont mises dans une casserole avec de l’eau froide. Chauffez doucement sans couvrir. Retirez du feu avant ébullition et filtrez. C’est tout!

La base liquide de patates douces

Vous pouvez également utiliser des patates douces pour confectionner une base liquide au goût sucré pour agrémenter une soupe par exemple. Comptez 200 g de patates douces pour 1 litre d’eau. Lavez, coupez-les en rondelles et faites les cuire à feu doux pendant 1 heure environ. Filtrez.

Les patates douces pourront être utilisées pour confectionner d’autres plats.

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