La shojine fait un usage abondant d’épaississants et de gélifiants, notamment pour préparer des gelées et les multiples déclinaisons des (faux) tofus qui ont la consistance du tofu : tofu de sésame, tofu de noix, tofu de carotte, tofu de betterave, tofu de maïs, tofu de patate douce, tofu de courge, etc. Les trois produits-phares sont le kanten et son équivalent occidental l’agar-agar, la fécule de kuzu et la fécule de pomme de terre. Je n’utilise quasiment jamais de fécule de kuzu, trop chère, trop loin, et après de multiples essais, j’emploie le plus souvent un mélange d’arrow-root et d’agar-agar pour retrouver une texture et une élasticité proches.

L’agar-agar et le kanten

Commençons tout d’abord par l’agar-agar, un gélifiant naturel extrait d’algues rouges. Peu connu il y a encore quelques années, le développement de la cuisine végane et la recherche d’alternatives à la gélatine ont contribué à sa démocratisation. On trouve désormais l’agar-agar dans tous les magasins bio conditionné sous forme de poudre blanchâtre. Plusieurs espèces d’algues sont aujourd’hui utilisées dans sa fabrication.

Le kanten 寒天, lui, était traditionnellement extrait d’une algue rouge spécifique, Gelidium amansii, tengusa ou tegusa en japonais, mais à présent il est également élaboré à partir de différentes espèces d’algues rouges. Au Japon, il est commercialisé sous forme de bâtonnets, de filaments ou de poudre.

Pour ma part, je n’utilise que de l’agar-agar bio. La poudre doit tout d’abord être dissoute dans une préparation liquide (si possible froide) qui est portée à ébullition pendant 1 à 2 minutes. La préparation est ensuite mise à refroidir à l’air libre, elle gélifie à une température comprise entre 30 et 40°C.

La poudre doit être dosée au gramme près car son pouvoir gélifiant est très élevé. Comptez pour un liquide comme du lait de soja :
– 1 g par litre pour épaissir ;
– 2 à 4 g par litre pour une texture de flan ;
– 8 à 10 g par litre pour une gelée à découper.
Normalement, 8 g par litre de poudre d’agar-agar suffisent pour une découpe en tranches.

Bon à savoir : Si vous ne disposez pas d’une balance de précision, 1 cuillère à café rase d’agar-agar pèse 2 grammes.

Les gelées à base d’agar-agar sont dites thermoréversibles : elles se liquéfient lorsque la préparation est chauffée entre 85 et 90°C et se gélifient à nouveau en refroidissant.

500 ml d’eau, 4 g d’agar-agar, 2 cuillères à soupe de sucre, c’est tout! Une vidéo de Just One Cookbook, un blog et une chaîne de cuisine japonaise.

La fécule de kuzu

La fécule de kuzu (kuzuko 葛粉) est extraite des racines d’une plante de la famille des fabacées, la puéraire (kuzu 葛, Pueraria montana). Elle offre une très belle élasticité aux préparations. Elle se présente sous la forme de petits cailloux d’un blanc éclatant que l’on doit réduire en poudre avant utilisation. Son pouvoir épaississant est important (trois fois plus que la farine). Les marques Celnat et Lima commercialisent de la fécule de kuzu issue de l’agriculture biologique japonaise. Dans les magasins japonais, les produits vendus comme de la fécule de kuzu ne sont le plus souvent que des mélanges. L’appellation Honkuzu, «le véritable kuzu», d’une marque japonaise distribuée en France n’est en fait qu’un mélange d’arrow-root et de fécule de patate douce.

Mon avis : le coût de la fécule de kuzu est prohibitif (entre 7 et 10 euros les 100 g) et ce n’est pas à proprement parler une production locale. Je ne l’utilise quasiment jamais.

Dans certaines préparations, on peut utiliser de la fécule de pomme de terre ou d’autres fécules même si le goût et la texture ne sont pas identiques. (Attention : les préparations à la fécule de pomme de terre n’ont pas une bonne tenue dans le temps et doivent être consommées dans les douze heures.)

Après de nombreux essais pour retrouver l’élasticité et l’onctuosité qu’offre la fécule de kuzu, j’utilise à présent un mélange d’arrow-root bio et d’agar-agar pour la préparation des blancs-mangers et de certains tofus. Par exemple pour le tofu de noix : 6 grammes d’agar-agar et 2 cuillères à soupe d’arrow-root pour 1 litre de liquide. Le résultat est excellent!

La fécule de pomme de terre

La fécule de pomme de terre (katakuriko 片栗粉) est très utilisée dans la cuisine zen, notamment pour épaissir des préparations liquides. Les Japonais eux-mêmes ont cherché des produits de substitution. À l’origine, ils utilisaient une fécule obtenue à partir du bulbe d’une plante herbacée, Erythronium japonicum, katakuri en japonais. Ils l’ont aujourd’hui remplacée par la fécule de pomme de terre, mais le nom est resté.

Une fécule était également extraite des rhizomes de la grande fougère (warabi) qui servait notamment à confectionner des douceurs, les célèbres warabi mochi, sortes de pâtes sucrées. Cette fécule continue d’être produite, mais reste très onéreuse. Ces pâtes sont désormais confectionnées avec de la fécule de pomme de terre, de patate douce ou du tapioca en poudre.

Dans cette vidéo, le moine zen et cuisinier Nishikawa Genbō (école Rinzai) prépare des pâtes de sarrasin frites. Les pâtes sont saupoudrées de fécule de pomme de terre avant friture. La sauce est légèrement épaissie avec la même fécule.

Pour les lecteurs

Les marques ne communiquent guère sur la production de l’agar-agar et il est bien difficile de connaître l’origine et les variétés d’algues utilisées. Le réseau Biocoop commercialise l’agar-agar de la marque Natali extrait de l’algue Gelidium sesquipedale. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu l’occasion de comparer des préparations faites soit à l’agar-agar made in France soit au kanten made in Japan. Si l’un d’entre vous s’est déjà lancé dans cette aventure et qu’il a noté, ou non, des différences, je serai ravi de vous lire.

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Crédit Photographique : Inazakira.